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Linné dans les ténèbres à Bordeaux

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Grande nef du CAPC de Bordeaux. Avant de déambuler silencieusement dans la pénombre de l’univers minéral et quasi spectral des sculptures de l’exposition Linnaeus in Tenebris, je lis les premières lignes de la note d’intention. En référence explicite au titre, Carl von Linné y est cité

L’exposition est visible au CAPC de Bordeaux jusqu’au 24 septembre 2017

Linné ? Linné? Mon ami wikipédia me rafraichit la mémoire : « Carl Von Linné, naturaliste suédois du 18 ème siècle célèbre pour avoir inventé la nomenclature binomiale du monde vivant. » Mais oui, bien sûr ! Mes cours de biologie du lycée ressurgissent par enchantement. Cet homme a donc passé sa vie à décrire, à ordonner, à classer et à hiérarchiser les espèces animales et végétales. Respect! Et d’ailleurs, on connait tous plus ou moins ce gigantesque travail de recensement à travers le double nom « latin » étiqueté sur les plantes chez les pépiniéristes. Mais revenons à l’exposition bordelaise. L’artiste, Naufus Ramírez-Figueroa, est jeune guatémaltèque, sculpteur mais aussi performeur. Son exposition est un champ de sculptures éparpillées inquiétant et dérangeant. Cimetière de squelettes oubliés et blanchis par un soleil torride. Tragédie morbide à ciel ouvert ou carnaval burlesque. Tout est calme. Tout est violence. Je suis perdue. Mal à l’aise. Des parties de corps s’hybrident à des formes végétales. On connaissait l’homme à tête de chou, moitié-légume moitié-mec. Voici une galerie de nouveaux portraits hautement improbables. Qu’on en juge! Un régime de bananes d’où jaillit un bras frêle tendu vers le ciel. Plus loin, un pendu désarticulé se mue en porte-greffe à cacaoyer. Là bas, je rencontre la femme, moitié-fille moitié yucca. Inquiétant aussi, ce gnome fluorescent en forme de cabosse avec ses grands yeux vides et à sa bouche boursoufflée.

Tandis que mon malaise s’épaissit, le titre de l’exposition titille ma mémoire. « Linné dans les ténèbres ». Autrement dit, dans l’ignorance. La nature dans toute sa diversité serait donc impossible à classer et à ordonner dans tous les sens du terme. Et l’homme de science, qu’il soit du 18 ème ou du 21 ème siècle, qui se croirait malgré tout capable d’y parvenir ne serait il pas juste un TRES grand prétentieux ? Autant de questions qui poussent à l’humilité. A découvrir aussi dans cette vidéo, Naufus Ramírez-Figueroa en personne. Serez vous aussi touché que moi par la force de son sourire si enfantin et son attachante fragilité de voix qui s’imposent au regard malgré son impressionnante silhouette.

« La Sociale », genre du film : « si la sécu m’était contée »

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La « sécu » est un bien commun. Qu’on se le dise. Allons voir ce film qui nous le raconte et osons regarder la « sécu » sous un angle différent des parleurs néolibéraux. Bref, forgeons-nous notre propre opinion!

Comme une piqure de rappel qui chercherait à stimuler notre « envie collective de bien commun » , ce documentaire nous raconte simplement comment et pourquoi la Sécurité Sociale a été créée en 1945.

Merci Gilles Perret. Merci pour ce film documentaire, « La Sociale ». Pour une fois, on nous parle de la sécu autrement que sous l’angle des équilibres budgétaires. Merci de nous raconter l’histoire de ce bien commun, ciment de la société française. Merci aussi d’avoir rappelé la mémoire et la détermination de ceux qui l’ont construite il y a 70 ans pour lutter contre l’injustice qu’est la maladie et l’insécurité qu’est la pauvreté. Merci à tous les témoins interviewés dans ce film. Merci pour le portrait si humain d’Ambroise Croizat et pour l’attachante interview de sa fille. Et comme je vis près de Bordeaux, ma curiosité naturelle m’a entrainée au Musée National de l’Assurance maladie à Lormont. Dans ce Musée dont j’ai découvert l’existence grâce au film, j’ai aussi appris que le mouvement mutualiste avec ses Sociétés de secours mutuels, reconnaissables à leurs magnifiques bannières de velours est né au XIX éme siècle. Et que ces associations de prévoyance qui assuraient à leurs membres des prestations en cas de maladie pouvaient aussi parfois verser des retraites ou payer des obsèques. « Ce mouvement mutualiste, nous explique-t-on au Musée, a contribué de manière importante à l’avènement de la Sécurité sociale en 1945. »
Si maintenant vous avez envie d’assister à une projection-débat de « La Sociale », l’agenda des rencontres autour du film est consultable ici. Bon film!

69, année « Eddy Merckx »

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Deuxième étape à Bordeaux pour l’exposition de photos « Le tour de France 69 d’Eddy Merckx » de l’artiste belge Jef Geys. Petite plongée dans l’ambiance estivale de la France qui vient d’élire Georges Pompidou, président de la République. Aperçu du travail d’inventaire de Jef Geys.

L'exposition présente 67 clichés pris par Jef Geys tout au long du Tour de France 1969.

L’exposition présente 67 clichés pris par Jef Geys tout au long du Tour de France 1969.

« Soixxxante neuuuuf, année érotiK » ! chantaient Gainsbourg et Birkin. Pour Neil Amstrong dont le « petit pas sur la lune fut un grand pas pour l’humanité » l’année 69 fut assurément plus cosmique qu’érotique. Quant à Eddy Merckx, même si je connaissais son nom (oui, oui je suis assez vieille pour çà) j’aurais été bien incapable de déclarer spontanément que 1969 avait été l’année de sa première victoire dans le Tour de France. Voila pour la séquence souvenir ! Le titre de l’exposition présentée au CAPC de Bordeaux des photos de Jef Geys est effectivement très explicite : « Le Tour de France 1969 d’Eddy Merckx ». Cette année là, le photographe décide de suivre, au volant de sa 2CV, les étapes de la course de son compatriote. Bien sûr, les performances sportives du champion d’exception l’intéressent mais Jef Geys s’attache aussi à tout ce qui se passe autour de la grande boucle. Où l’on découvre ainsi une série de clichés sans effet solennel. Pas de cadrage serré. Le photographe est dans la foule ou en retrait dans le hall de l’hôtel du champion. Il se tient à distance. Tellement à distance que parfois on aimerait bien demander au badaud dont la casquette bouche un peu trop la vue de se pousser. Trop tard. L’image est dans la boite. Jef Geys se met tellement en retrait qu’il peut aussi déclencher une photo depuis l’intérieur de sa voiture juste à travers la fenêtre ouverte. Effet cliché volé. Au final, ça donne une série de 67 photos noir & blanc présentées à hauteur de regard et encadrées, selon le souhait de l’artiste, sous plexiglas dûment boulonnées. Dont acte! Eddy Merckx apparait calme. Serein, il signe ça et là un autographe. La foule est clairsemée, attentive, calme elle aussi. Pas d’hystérie. Les séances de selfie relèvent encore de la science fiction. L’ère des plans vigie pirate n’a pas encore été décrétée. Et puis, et puis l’exposition présente aussi un livre.
« Toutes les photos de ma vie »


Un grand livre ouvert à la page 234. Son titre « Toutes mes photos jusqu’en 1998. ». L’ouvrage contient 40 000 photographies à travers des planches contacts imprimées de façon aléatoire, sans chronologie ni titre. Autant de clichés pris par Jef Geys dans sa vie quotidienne et qui seront, ou non, exposés un jour. En se penchant d’un peu plus près sur la page 237 on retrouve toutes les images du « Tour de France 69 ». Que nous dit ce livre? « Jef Geys, nous explique-t-on est un artiste singulier qui constitue depuis 1958 un centre de documentation où il répertorie toutes les oeuvres qu’il produit. Sa une conception de l’œuvre est très large. Pour lui tout est œuvre depuis un tableau jusqu’à une lettre administrative. Jef Geys archive, collectionne et enregistre sans aucune hiérarchie entre les différents documents. Ce livre fait donc partie de cet inventaire personnel. C’est un peu une boite noire où Jef Geys stocke les informations de sa vie mais aussi les informations de la vie !  »
L’exposition a fait sa première étape en juin 2016 au Centre national édition art image (Cneai) de Chatou. Elle est visible à Bordeaux jusqu’15 janvier 2017. Les étapes suivantes auront lieu aux Bains-Douches d’Alençon (2017), au Centre d’art contemporain-Passages à Troyes, à l’Institut d’art contemporain de Villeurbanne (2017) et au Vog, centre d’art contemporain de la ville de Fontaine.

Comment je suis entrée en Procession

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Face à la guerre ou à la violence que peut-on faire ? On lutte? On résiste? On fuit? On se cache? On a peur? On se résigne? On cohabite? On peut aussi confronter sa différence? La négocier pour ouvrir la voie à une métamorphose issue d’un métissage. Le grand brassage quoi ! L’exposition Procession au CAPC musée d’art contemporain de Bordeaux propose d’explorer pas à pas le parcours parfois chaotique vers ce « grand brassage ».

Revisité par le dessin de Julie Maroh, ce cri silencieux et rageur, oeuvre d'Anne-Marie Jugnet se transforme en un châtiment qui pèse sur les hommes rappelant Atlas condamné à porter la voûte céleste sur ses épaules.

Revisité par le dessin de Julie Maroh, ce cri silencieux et rageur, oeuvre d’Anne-Marie Jugnet se transforme en un châtiment qui pèse sur les hommes rappelant Atlas condamné à porter la voûte céleste sur ses épaules.


Procession! Comment dire? C’est tout à la fois une exposition dans l’exposition, l’immersion dans un récit, case par case, chapitre après chapitre comme dans une BD grandeur nature. Procession, c’est l’invitation à cheminer d’une oeuvre à l’autre. Cheminement des corps ! Cheminement de la pensée! Julie Maroh et Maya Mihindou qui ont sélectionné 35 oeuvres de la collection Permanente du CAPC ponctuent le parcours avec des dessins sur les murs, des légendes graphiques, des collages et des graffitis parfois impertinents. Cette procession n’a rien de religieux. C’est un défilé exploratoire de la violence faite aux autres. Une marche pour la survie. Une sollicitation à se glisser humblement sous la tente pour écouter des récits intimes. Une invitation pressante à franchir les brèches des murs, de tous les murs.

Philippe Meyer sauvera-t-il l’aimable Fanchon

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(sur l'air de FANCHON)  Amis, il faut faire quelque chose J'entrevois l'ombre de l'oubli  Planer sur tous les chants qui osent   Vanter le vin comme un ami (refrain)  Ah que vous pourriez pt'ête m'aider  A  financer un p'tit CD  Qu'aurait le mérite et la gloire  De sauver les chansons à boire Qu'aurait le mérite et la gloire  De sauver les chansons à boire.  Qu'aurait et le mérite et la gloire De sauver les chansons à boire.  Oui, tous les chants à boire

(sur l’air de FANCHON)
Amis, il faut faire quelque chose
J’entrevois l’ombre de l’oubli
Planer sur tous les chants qui osent
Vanter le vin comme un ami
(refrain)
Ah que vous pourriez pt’ête m’aider
A financer un p’tit CD
Qu’aurait le mérite et la gloire
De sauver les chansons à boire
Qu’aurait le mérite et la gloire
De sauver les chansons à boire.
Qu’aurait et le mérite et la gloire
De sauver les chansons à boire.
Oui, tous les chants à boire

« La prochaine fois je vous le chanterai! »C’est par cette promesse chaque semaine renouvelée que Philippe Meyer partage sa passion de la chanson avec les auditeurs de France Inter. Invité il y a peu à Bordeaux à participer à un colloque consacré à la place du vin dans la société, le journaliste et homme de lettres anima en direct, et non sans malice, une séquence de son cru dédiée aux chansons à boire. Tout à la jovialité de son entreprise, il conclut son propos en lançant un appel aux gens du vin pour qu’ils soutiennent le financement d’un enregistrement afin de ressusciter ces chants à boire en leur offrant des interprètes dignes de ce nom. Retour sur ce colloque bordelais et sur l’appel à sauver Fanchon, qui quoique bonne chrétienne, fut, ne l’oublions pas, baptisée avec du vin!

Nous étions très nombreux, l’autre jour à Bordeaux. Le Grand Théâtre à deux pas, la Garonne à un souffle. Très nombreux pour assister à la grand’messe VinoBravo où sociologues, historiens, économistes, avocats, médecins et j’en passe nous livrèrent tour à tour et sans tabou ce que le vin a de bon, et même de très bon, mais aussi ce qu’il a de moins bon, et parfois de dangereux. Du vin que l’on boit par plaisir pour « faire société » à la boisson devenue prison dans l’addiction alcoolique, on navigua tout le jour entre deux rives. Tantôt attirés par l’image sympathique du buveur rabelaisien, bon vivant et jouisseur truculent, tantôt effrayés par celle de l’alcoolique, repoussoir social, hideux fauteur de troubles menaçant l’ordre public. Ballotées aussi entre l’énoncé rassurant des bienfaits du French Paradox et celui effroyable des méfaits de l’alcool. On nous servit aussi en fin de journée un florilège des interdictions prononcées par la justice française dans son refus de voir afficher des messages conviviaux à propos le vin. Exit le partage amical. Exit l’art de vivre. Exit les instants conviviaux. Ainsi condamné et dépouillé de ses plus beaux atours, le vin devrait donc se montrer si discret qu’on en viendrait aisément à le soupçonner de tous les maux. A ce stade de la journée, courbant l’échine devant tant d’interdits et de mises en garde, l’auditoire assommé se prit donc à douter. La perplexité se lisait sur les visages affligés. Mais les sourires éteints reprirent de l’éclat et les bustes se redressèrent lorsque Philippe Meyer, sourcil malicieusement retroussé et balançant discrètement du chef; nous livra sa joyeuse sélection de « chansons à boire ». A sa mine satisfaite de collégien facétieux après quelque bonne farce, on devinait le plaisir que l’homme de lettres prenait à savourer ces couplets. Attirant notre oreille sur la douce mélodie de l’aimable Fanchon, qui aime tant rire, qui aime tant boire, il s’attrista cependant que ce vibrant hommage rendu au savoir vivre de la belle fût trop souvent « enregistré avec une vulgarité qui n’a d’égal que celui des corps de garde! » Et de proposer comme remède, un enregistrement « avec des gens qui savent ce qu’est un texte ». Concluant son propos, il appela les professionnels du vin à financer cette reprise de répertoire. A bons entendeurs!

Bordeaux ne s’est pas fait en un siècle

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Dans 100 ans, le vignoble tel qu'on le connait aujourd'hui aura-t-il changé? Et si oui, sous quelles influences? Nouveaux marchés, nouveaux investisseurs, concurrences diverses, contraintes démographiques, innovations techniques, évolutions climatiques, exigences sanitaires ? La liste est longue

Dans 100 ans, le vignoble tel qu’on le connait aujourd’hui aura-t-il changé? Et si oui, sous quelles influences? Nouveaux marchés, nouveaux investisseurs, concurrences diverses, contraintes démographiques, innovations techniques, évolutions climatiques, exigences sanitaires ? La liste est longue

Paris ne s’est pas fait en un jour et le vignoble de Bordeaux tel qu’on le connait aujourd’hui ne s’est pas fait en un siècle. Une exposition qui retrace 1000 ans d’histoire en Bordelais met en lumière les influences qui, au fil du temps, ont façonné ce vignoble.

A chaque époque, ses marchés, ses exigences et ses goûts. A chaque époque son influence sur le vignoble, les vins et le commerce. A l’appui de plans, de cartes, de textes, de documents notariés ou encore de gravures, l’exposition « vignes à la carte » retrace 1000 ans d’histoire du vignoble bordelais depuis le XIè siècle jusqu’au XX ème siècle. Sur ces mille ans d’histoire, deux périodes fastes ont été particulièrement marquantes. La première se situe au Moyen âge au cours des 3 siècles de présence anglaise et la seconde prend naissance vers la fin du XVII ème, au temps des lumières. Faits marquants pointés par les historiens à propos de ces deux âge d’or : les acheteurs dominants imposent leurs exigences.
Deux âge d’or
Les Anglais adorent le « french claret », un vin rouge léger tandis que les Hollandais, acheteurs de la fin du XVII ème siècle, préfèrent les vins bancs doux et les vins rouges corsés, très noirs sortis des Palus. Influence aussi sur les techniques : les Hollandais en marchands attentifs à leur clientèle réclament des vins « portables », autrement dit, capables d’affronter sans se détériorer les longs trajets maritimes. Pour satisfaire ces exigences, on adopte alors de nouvelles pratiques comme le mutage des vins, l’ouillage des barriques et leur méchage au soufre. Des pratiques toujours mises en oeuvre par nos oenologues.
Vers Lire la suite